Le sommet UE-Balkans occidentaux du 13 décembre dernier a consacré les perspectives d’adhésion à l’UE de ces deux pays, symbole de décennies de développement souvent conflictuel. À ce titre, ces adhésions s'inscrivent dans un contexte particulier, celui de l'histoire entre la Serbie et le Kosovo, et ne sont pas exemptes d'enjeux et de défis.
par Maddalena Magnante et Enzo Colomer
© Euronews et AFP
"L'avenir des Balkans occidentaux est au sein de notre Union”
C’est dans cette optique que le sommet UE-Balkans occidentaux du 13 décembre dernier s’est terminé. Le sommet, réunissant les dirigeants des deux parties prenantes, visait à affirmer la perspective d’adhésion à l’UE des Balkans occidentaux, et à les rapprocher de l’Union.
Il a été souligné que le rapprochement à l’UE des partenaires des Balkans occidentaux sera mis en place par une intégration progressive, basée sur une coopération en matière d’économie, ainsi que de sécurité, cyber-sécurité et défense. À la suite de l’agression russe en Ukraine, l’UE encourage d'autant plus l’alignement stratégique de ses partenaires à la PESC, la Politique Étrangère et de Sécurité Commune. Tous les partenaires des Balkans occidentaux sont concernés par le Processus de Stabilisation et d’Association PSA, lancé par l’UE en 2000. Actuellement, les négociations d’adhésion sont en cours avec le Monténégro et la Serbie, et en mars 2020, Il a été convenu d’ouvrir les négociations avec la Macédoine du Nord et l’Albanie. La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont des candidats potentiels à l’adhésion.
“Ce que nous voyons est un pas qui éloigne du passé et, pour chacun d'eux, un pas de plus vers l'Europe”
Dans le cadre du partenariat UE-Balkans occidentaux, les cas de la Serbie et du Kosovo sont remarquables. Dans la Déclaration de Bruxelles, conséquence du sommet du 13 décembre, figure la volonté de soutenir et développer le dialogue entre Belgrade et Pristina, et un encouragement aux deux parties à apaiser les tensions existantes. En effet, l’histoire de la Serbie et du Kosovo remonte à plusieurs décennies, et fut pour longtemps conflictuelle, et, parfois, sanglante. En 1999, au crépuscule de la guerre de Yougoslavie, la Serbie perdit le contrôle sur sa province sud du Kosovo-Métochie à la suite d’une intervention de l'OTAN. Et, en 1999, à la fin de la guerre du Kosovo, le Conseil de sécurité des Nations unies plaça le Kosovo sous son administration provisoire. Tensions politiques, diplomatiques et ethniques ne cessèrent de fleurir. En 2008, le Kosovo déclara, unilatéralement, son indépendance, devenant dès lors un État propre et souverain. Cette dernière entraîna des années de tensions, comme le refus de toute dialogue officiel avec les représentants kosovars de la part de la Serbie, le rappel des ambassadeurs serbes ou l’inculpation de dirigeants kosovars pour haute trahison. D’autres évènements ponctuèrent le début des années 2010, dont celui du maire Vitina, jusqu'au développement progressif d’une période de dialogue et de tentatives d’apaisement. Sous l’impulsion de l’Union Européenne, des négociations de normalisation s’ouvrirent en octobre 2012, entre le Premier ministre serbe, Ivica Dačić et celui du Kosovo, Hashim Thaçi. Cette étape était une condition nécessaire pour la suite de la candidature européenne de la Serbie. Des accords multi-sectoriels se développèrent, et un accord frontalier fut mis en place en décembre 2012. En avril 2013, les deux gouvernements conclurent une entente -ratifiée en juin et complétée en août par un accord sur des passages frontaliers permanents- permettant aux deux pays de devenir membres de l'Union européenne. Avec cet accord, la Serbie renonça de facto à sa souveraineté sur Pristina en échange de l'ouverture de ces négociations d'adhésion. Dans le même temps, le combat kosovar sur la scène internationale se prolongea, afin de faire reconnaître son indépendance et sa légitimité face à de nombreux pays encore réticents à une telle prétention. Cependant, ces récentes années virent le retour d’épisodes conflictuels, comme lors du dépot de plainte kosovar devant la Cour de justice internationale pour génocide contre la Serbie durant la guerre de 1998-1999, ainsi que lors des tensions ethniques en août 2022. Et encore aujourd’hui, la Serbie ne reconnaît pas l’indépendance de la République du Kosovo.
La Serbie a présenté sa demande d’adhésion à l’UE le 19 décembre 2009, suivie par l’obtention du statut de pays candidat le 1 mars 2012. Le 21 janvier 2014 marque le début des négociations d’adhésion, suivies par treize réunions jusqu’à présent. La dernière conférence, tenue le 14 décembre 2021, a permis d’évaluer les progrès de la méthodologie révisée en matière d’élargissement, approuvée par le Conseil en 2021 et visant à dynamiser le processus d’adhésion. Cette dernière consacre une nouvelle approche, visant à rendre le processus d'adhésion plus efficace, transparent et rigoureux, tout en mettant l'accent sur le renforcement de la démocratie et de l'état de droit pour les pays candidats à l'adhésion à l'UE. Elle se décline notamment par la cohérence et crédibilité du processus d'élargissement, soit une clarification des attentes, des critères et étapes du processus d'adhésion; le renforcement de la règle de droit et de la gouvernance démocratique, notamment par une attention accrue à l'indépendance du système judiciaire et la lutte anti-corruption; ou une approche par chapitres thématiques, concentrant les efforts sur des domaines spécifiques tels que la "bonne gouvernance", l'économie de marché, la compétitivité ou la justice.
Le Kosovo, cadré par la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, est un des potentiels candidats à l’adhésion à l’UE. Si son indépendance a été reconnue par 22 États membres sur 27, cela n’empêche pas un soutien quasiment infaillible de la part de l’UE: en effet, cette dernière soutient la stabilité du Kosovo par l’établissement de la mission européenne EULEX pour l’État de droit, ainsi que par la présence d’une mission civile dans le cadre de la Politique européenne de Sécurité et de Défense PESD. La EULEX EDD, déployée par l'Union européenne pour renforcer l'état de droit, se concentre sur des domaines clés tels que la gestion des frontières et des douanes, et la lutte contre la criminalité organisée. Ce cadre d'accompagnement vers les standards et normes occidentaux se décline notamment par la provision de conseils stratégiques et opérationnels au gouvernement kosovar, afin de renforcer ses capacités juridiques et de gouvernance. En collaborant étroitement avec les autorités locales, l'EDD vise à améliorer la sécurité et la stabilité dans la région en soutenant le développement d'institutions efficaces et responsables, prêtes par la suite à intégrer l’Union.
En définitive, la relation de l’Union européenne avec les Balkans occidentaux se caractérise par un dynamisme certain, et un visage pluriel. Bien que des progrès remarquables aient été réalisés en matière de développement économique et de coopération régionale, des défis substantiels concernant l’État de droit demeurent, ainsi que la persistance de tensions ethniques majeures. À ce titre, cette intégration fait encore face à de nombreux défis et enjeux. Si l’Union reste déterminée à établir un partenariat encore plus étroit avec la région, afin de rendre la perspective d’une intégration européenne une réalité tangible, ces développements ne risquent pas de s’achever de si tôt.
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